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Dans les herbes folles
9 août 2010

Simon, le chat ...

La suite ...

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J'ai 15 ans.
Je m'appelle Maé.

Simon, le chat et moi, on vadrouille moins.
Tripatouille fait des expéditions punitives la nuit pour prouver à tout le voisinage que le plus grand chasseur de souris, c'est lui.
Je le soupçonne aussi d'aller conter fleurette aux minettes du canton.
J'ai surpris un chaton faisant semblant de traîner la patte la semaine dernière. La roublardise est dans les gènes. Il nargue beaucoup la vieille Fargeton. Il passe devant chez elle au moins huit fois par jour. Ce chat ne feule jamais hormis en sa présence.

Simon passe encore de temps en temps.
Mais il a encore grandi. Pas de partout en même temps.
Sa voix change et il regarde de plus en plus souvent Mélanie la jolie blonde qui attend le car pour aller au collège.
Il reste le même, lunaire, doux, timide.

Moi aussi, je suppose que je change. Je le sais. Je le vois. J'évite juste de le montrer.
On se raconte toujours plein de chose mais certaines qu'il me confie font mal et d'autres, je n'ose pas lui dire.

Je continue de monter dans les arbres, je dévale les pentes à toute allure, je plonge dans l'eau glacée de la rivière. J'essaie toujours de rentrer le plus tard possible. Pas plus de monde qu'avant à la maison. Juste le chat et moi. J'allais beaucoup lire dans la cahute. Je sais que Simon y vient aussi. Je retrouve des livres à lui. Mais dernièrement, j'ai retrouvé un tube de rouge à lèvres. Le même que celui que Mélanie se plaignait d'avoir perdu.
Alors la cabane, depuis, je m'y sens moins à l'aise.


J'ai 15 ans.
Je m'appelle Simon.

Je marche moins dans les bois, je goûte encore la lumière du jour mais plus si souvent.

Je grandis, je dépasse tout le monde, mes épaules larges me gênent un peu mais en même temps, je me rends bien compte que certaines s'y intéressent.
Certaines, pas toutes. Pas Elle.
Ma voix change aussi, certaines se moquent. Certaines, pas toutes. Pas Elle.

Elle, elle ne change pas. Elle court encore, elle file, elle rit, elle risque. Elle m'écoute quand je lui parle, encore Petite soeur, toujours mon amie, ma meilleure amie. Mais quoi d'autre aussi.
Je veille sur elle mais de loin. Elle n'a plus besoin de moi. C'est toujours la plus casse-cou des deux, mais je sais qu'elle est forte. C'est toujours la plus seule des deux, mais je suppose qu'elle s'en accommode.

Et puis, il y a Tripatouille. Le grand chasseur, le grand Dom Juan. Toute une descendance de comédiens, de menteurs. Il continue nos complots contre la sorcière qui fait toujours pleurer Maé (même si elle me le cache maintenant), il passe de longues heures sur les genoux de Papi Denis au soleil. Il grimpe, il court, il file. Et il revient toujours vers elle.

Je vais encore à la cabane. Je sais qu'elle y passe, elle y laisse un livre, un foulard, une trace de parfum. Moi, je vais lire, toucher son foulard, respirer sa fragrance. Une fois, j'ai emmené Mélanie, elle a pas aimé, trop sale, trop petit, trop d'elle peut être aussi. Depuis, j'ai l'impression que la cabane a perdu un peu de son âme.

Maé, le chat et moi, c'est plus si simple.


J'suis plus si petit.
Je m'appelle Tripatouille.

J'ai pris mes marques. J'ai mes habitudes au village. La revêche à effrayer. Matin, midi et soir. Parfois même la nuit. Je reste sous ses fenêtres et je miaule, je feule, je fais le dos rond. Je m'amuse follement. Il y a aussi le vieux monsieur du jardin. Il m'aime bien. Il aime pas trop la revêche, je crois. Il sourit en douce devant mon cinéma. Il me donne du thon, des restes de melons. Et puis j'entraîne mes rejetons dans son jardin, faut bien qu'ils apprennent à jouer la comédie.

Maé, elle grandit, elle ne veut pas que ça se sache, mais elle grandit. Elle court toujours autant, elle frissonne toujours dans l'eau froide, mais elle a aussi des gestes, des regards qui viennent de loin, presque de plus tard. Elle me confie des choses au creux des oreilles, des choses qu'elle ne veut pas dire aux autres. A Simon.

Simon aussi change. Il dépasse tout le monde, il attire les regards, il s'en rend compte. Mi gêné, mi épaté. Il regarde le monde avec un œil nouveau. Il la regarde encore aussi. Mais il ne sait plus comment faire, comment lui parler. Elle file entre ses doigts. Alors, il file dans les doigts d'une autre.

La cabane tient encore debout. J'y passe de longues après-midi, au creux des coussins avec Maé quand elle lit, sur les genoux de Simon quand il vient faire une sieste. Mais depuis quelques temps, Maé vient moins et une blonde m'a évincé.

Maé, Simon et moi, c'est plus tout à fait la même histoire.


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