Jacques, Alain, Philippe, Gérard, Antoine et les autres ...
La salle était un peu froide, un peu trop impersonnelle à mon goût.
Les chaises en arc de cercle et la mienne devant.
Cécile a senti mon malaise, on a tout chamboulé, on a mis les chaises en rond, la mienne perdue au travers des autres.
Comme pour me fondre.
Et puis, ils sont arrivés peu à peu.
Agnès le sourire en coin, contente de me pousser dans des terres inconnues.
Cécile heureuse de proposer autre chose.
Ils sont rentrés dans la salle.
Intimidés.
Peut être plus que moi.
Le directeur est venu.
Le nouveau, celui que j'ai du mal à cerner.
Charmant mais je ne sais pas la longueur de ses dents.
Ils se sont assis. Au fur à mesure. Sans un bruit. A peine un mot.
Puis l'heure est venue.
Chacun a dit son nom, parfois son pays.
Le directeur a dit un gentil mot.
Et enfin j'ai lu.
J'ai pris mes livres, je me suis accrochée à mes pages.
J'ai oublié d'être intimidée.
Et tous ces hommes, toutes ces femmes m'ont écoutée.
Parfois sans vraiment me comprendre.
Parfois un sourire au lèvres.
Et ces adultes qui rament comme des fous pour apprendre notre jolie langue si compliquée.
Ces indiens, iraqiens, arméniens, thaïlandais, chinois, géorgiens, russes ... m'ont offert un moment magique.
Tout en retenue.
Tout en humilité.
Tout en sourire aussi.
Ils ont trouvé les propos d'Alain compliqués.
Ils ont ri en écoutant le cancre.
Le directeur s'est transformé en Éric en écoutant Cet Amour et a applaudi entraînant les autres avec lui.
Ils ont adoré le Petit Prince et ses dessins de moutons.
Et moi pour la première fois j'ai lu à des adultes.
Cet Amour
Cet amour
Si violent
Si fragile
Si tendre
Si désespéré
Cet amour
Beau comme le jour
Et mauvais comme le temps
Quand le temps est mauvais
Cet amour si vrai
Cet amour si beau
Si heureux
Si joyeux
Et si dérisoire
Tremblant de peur comme un enfant dans le noir
Et si sûr de lui
Comme un homme tranquille au milieu de la nuit
...